Article du journal le Parisien
Société NATURE.
Pêche : les jeunes mordent à l'hameçon
Vincent Mongaillard
dimanche 23 mars 2008 | Le Parisien
Loin de se ringardiser, la pêche à la ligne prend au contraire un sacré coup de jeune. Grâce à des opérations de promotion et à un permis au tarif adapté, les 12-18 ans redécouvrent cette activité.
QUAND ses camarades passent leur journée à « chater » sur MSN ou à s'affronter dans un tournoi de foot sur PlayStation, Guillaume, 16 ans, lui, va à la pêche en jean-Converse, préférant le brochet au monde virtuel. A l'instar de cet ado de Neuilly (Hauts-de-Seine), les jeunes sont de plus en plus nombreux à garder la ligne en usant du moulinet. Il suffit de se rendre sur les bords des cours d'eau ce samedi, jour d'ouverture dans les départements d'Ile-de-France* de la pêche en première catégorie, celle des salmonidés comme la truite, pour observer de près le phénomène (lire en encadré) .
A l'Ecole de pêche des Hauts-de-Seine, à Levallois, où Guillaume, accro à la pêche à la mouche, plie et déplie ses gaules, on se frotte les mains. Désormais, 150 gamins citadins appartenant très majoritairement à la gent masculine, en provenance des beaux quartiers voisins comme des cités sensibles franciliennes, prennent, à l'année, des cours de pêche sur les berges de l'île de la Jatte ou aux étangs du bois de Boulogne. « Il y a cinq ans, ils étaient 65 », recense Sandrine, maîtresse des lieux.
« Mes potes de lycée trouvent ça bizarre »
Record à battre de la plus belle prise : un silure de 2,10 m et pesant 70 kg, attrapé par un costaud de 14 ans. Ici, la politique écolo de la maison veut que la prise, bien que comestible, soit systématiquement rejetée à l'eau. Ce que l'on appelle, dans le jargon des amateurs, le « no kill »... « Je ne pourrais jamais tuer un poisson que j'ai pêché. Pour moi, c'est sacré », jure Guillaume, garçon solitaire aux cheveux mi-longs en plein lancer. Yann, 26 ans, son moniteur, lui prodigue quelques conseils très techniques, souvent incompréhensibles pour le profane. Exemples : « Reste linéaire, pas de rotatif au niveau du poignet », ou « Fais gaffe, ta mouche, elle drague ». Au tableau de chasse de Guillaume, une truite jaune de 50 cm. Quand il est fier de son coup, il sort son appareil photo numérique. Et c'est comme ça que la carpe, l'ablette ou le gardon finissent parfois sur son fond d'écran d'ordinateur plutôt que dans la poêle de maman. En classe, il reste discret sur sa passion. « La pêche, mes potes de lycée trouvent ça bizarre. Pour eux, c'est encore un truc de campagnard qui boit de la bière au bord de la rivière », regrette-t-il. « A mon collège, on pense que c'est un loisir pour vieux », raconte, de son côté, Tanguy, 15 ans, jeune Parisien fan de skate et de... carnassiers à nageoires.
Les vertus de la pêche ? « C'est sportif, on peut avoir les mêmes tendinites qu'au tennis ! Ça canalise aussi les énergies et ça apprend l'échec. Les mômes investissent du temps pour un résultat différé et incertain », souligne Yann, le guide très pédago. « On ne gagne pas à tous les coups ! Faut beaucoup de patience, surtout quand les fils s'emmêlent dans les arbres », sourit Tanguy. « Pendant quatre jours non-stop, tu prends rien, tu te fais arnaquer par les poissons. Et puis le cinquième, tu chopes six truites », assure Guillaume qui, « plus tard », se verrait bien « notaire », un métier qui, croit-il, lui « laissera le temps d'aller à la pêche » !
* Dans la plupart des autres départements, la pêche en 1 r e catégorie est ouverte depuis deux semaines.